La Bolivie utilise l’or pour soutenir ses finances
Face à une dette écrasante libellée en dollars et à une situation économique fragile, le gouvernement bolivien s’appuie désormais sur ses réserves d’or pour maintenir sa solvabilité.
Selon S&P Global, la Bolivie détient la pire note de crédit d’Amérique latine, classée « Ca », ce qui signifie un risque de défaut quasi certain. Cette évaluation repose sur la faiblesse des réserves du pays et sur sa faible capacité à honorer ses engagements dans les 6 à 12 prochains mois.
Transformer l’or en dollars
Malgré la fin du boom gazier et une pénurie chronique de devises, la Bolivie parvient encore à payer ses dettes. Comment ? En convertissant son or en liquidités.
La Banque centrale de Bolivie achète de l’or auprès de mineurs locaux, l’envoie pour raffinage à l’étranger (notamment en Turquie), puis revend les lingots sur le marché international pour obtenir des dollars. En pratique, les mineurs extraient une richesse tangible, que l’État transforme en monnaie fiduciaire afin de couvrir ses obligations.
D’après les données rapportées par Bloomberg, la banque centrale a acheté près de 24 tonnes de métal local depuis mai 2023 et en a monétisé 44 tonnes, générant environ 3 milliards de dollars. Elle déclare également détenir environ 19 tonnes dans des banques étrangères.
Un soutien budgétaire vital
Selon Fitch Ratings, la banque centrale a financé presque à elle seule le déficit budgétaire de 2024, faute de capacité du gouvernement à accéder aux marchés internationaux.
La Bolivie rejoint ainsi un nombre croissant de pays qui renforcent leurs réserves en achetant de l’or produit localement. En 2023, le pays a extrait 26,5 tonnes d’or selon le World Gold Council.
Les limites de la stratégie
Le mécanisme n’est pas sans risques :
- La banque centrale achète l’or en bolivianos. Certains craignent qu’elle n’imprime de la monnaie supplémentaire, alimentant l’inflation déjà élevée.
- Des ONG accusent le gouvernement de fermer les yeux sur les conditions sociales et environnementales de certaines exploitations aurifères.
- En 2023, une loi a obligé les producteurs à vendre d’abord à la banque centrale. Résultat : les exportations d’or ont chuté de 72 % en 2024.
Face à la dépréciation rapide du boliviano, les mineurs sont de plus en plus tentés de vendre leur or directement sur le marché noir, où ils peuvent obtenir des dollars, malgré la prime officielle de 12,5 % offerte par l’État.
Conclusion : l’or comme ultime assurance
Cette situation met en évidence la différence fondamentale entre monnaie fiduciaire et or. Les gouvernements peuvent créer autant de monnaie papier qu’ils le souhaitent, au prix d’une inflation persistante et d’une perte de pouvoir d’achat. L’or, lui, conserve sa valeur universelle et joue un rôle de filet de sécurité quand les systèmes monétaires vacillent.