L’or pendant la Révolution française : entre richesse, défiance et survie

La Révolution française (1789–1799) fut une période de bouleversements profonds, non seulement sur le plan politique et social, mais aussi économique. Et au cœur de cette tourmente, l’or – valeur refuge par excellence – occupa une place ambivalente, entre instrument de pouvoir, symbole d’inégalité et outil de survie.

L’or avant la Révolution : un marqueur d’inégalités

À la veille de la Révolution, la France était l’un des pays les plus riches d’Europe… en apparence. La noblesse et le clergé concentraient la majeure partie des richesses, souvent sous forme de terres, de titres, mais aussi de bijoux, de pièces d’or et d’objets précieux. La monnaie d’or – notamment le Louis d’or, frappé depuis le règne de Louis XIII – circulait principalement dans les milieux aisés. Pour les classes populaires, l’or restait un rêve inaccessible.

Cette concentration de l’or dans les mains des élites contribua au ressentiment du peuple et à la méfiance croissante envers ceux qui possédaient ces symboles d’opulence.

La fuite des capitaux : quand l’or quitte la France

Dès les premières années de la Révolution, un phénomène inquiétant se produit : l’or disparaît. Les aristocrates, craignant les expropriations et les violences, fuient à l’étranger – souvent en emportant avec eux bijoux, pièces et lingots. Ce mouvement de fuite des capitaux fragilise encore davantage l’économie française.

Simultanément, les citoyens, inquiets pour leur avenir, thésaurisent l’or : ils le cachent, l’enfouissent, ou l’utilisent pour acheter des biens tangibles. L’État, quant à lui, manque cruellement de numéraire.

L’effondrement du système monétaire : l’arrivée des assignats

Face à cette pénurie de métaux précieux, l’Assemblée nationale décide de créer une nouvelle monnaie papier : les assignats, initialement garantis par les biens confisqués à l’Église (les “biens nationaux”). Mais rapidement, les assignats sont surimprimés, perdent leur valeur, et l’inflation devient incontrôlable.

Dans ce contexte, l’or reprend toute son importance. Il devient la seule véritable monnaie de confiance. Dans les campagnes comme dans les villes, on refuse parfois les assignats, leur préférant l’or ou l’argent. Un marché noir se développe autour des pièces d’or, ce qui pousse les autorités révolutionnaires à prendre des mesures extrêmes.

Criminalisation de l’or : une possession devenue suspecte

La possession d’or est progressivement assimilée à une attitude contre-révolutionnaire. Sous la Terreur, détenir des pièces d’or, ou en faire commerce, peut conduire à l’arrestation, voire à la guillotine. L’or est vu comme l’instrument des ennemis de la République, des accapareurs et des spéculateurs.

Certains patriotes vont jusqu’à livrer volontairement leurs pièces d’or au Trésor public, en geste de soutien à la Révolution. Mais dans les faits, la défiance reste forte, et beaucoup préfèrent dissimuler leurs avoirs, parfois pour des générations.

Conclusion : l’or, éternel survivant des révolutions

Malgré la volonté révolutionnaire d’abolir les privilèges et de rebâtir une économie égalitaire, l’or n’a jamais perdu sa valeur ni sa symbolique. Bien que pourchassé et réprimé, il a continué à circuler sous le manteau, servant de monnaie parallèle et de protection individuelle face au chaos économique.

La Révolution française a montré que dans les périodes d’incertitude extrême, l’or reste un refuge. Pas seulement une richesse ostentatoire, mais un moyen de préserver sa liberté, voire sa vie.

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